"Ruralidade"
samedi 12 janvier 2013Durant notre stage, nous avons pu être imprégnés par une réalité du Brésil autre que celle des grandes villes : celle de la campagne brésilienne. Je ne parle pas ici des propriétés énormes du centre-ouest, mais bien de petits propriétaires vivant dans une communauté rurale, Atalanta, lieu où est installée l’ONG Apremavi avec laquelle nous faisons notre stage.
Atalanta est située à près de 300 km de Florianopólis, capitale de l’état de Santa Catarina, compte 3000 âmes, une station service, une taverne et deux petites épiceries. Ma première impression lorsque je suis arrivé en autobus était le temps énorme nécessaire pour se rendre là bas 6h pour se rendre à la plus grosse ville à proximité puis 2h d’autobus inter-municipaux et 20 minutes en auto des gens de la communauté pour se rendre à la communauté rurale de Alto Dona Luiza à Atalanta. Et oui, cela demande un peu de patience !
La vie en campagne est aussi très dure. Par exemple, l’horaire de travail des employés de l’ONG est de 7h (parfois dès 6h) jusqu’à 18h et en plus, ils vont devoir s’occuper de leurs propres cultures (planter, arroser, enlever les mauvaises herbes) et des animaux avant et après leurs heures de travail. Cela fait des journées très longues. De plus, vivre de son labeur en campagne est loin d’être une chose facile, car les produits n’ont pas beaucoup de valeur marchande. Par exemple Edgold Shaffer, président d’Apremavi et agriculteur de père en fils décida de laisser de côté la production de légumes pour devenir producteur de semis d’arbres indigènes et de vendre ceux-ci en plus de leurs projets pour restaurer les forêts des zones à risques. Ce genre d’entreprise permet entre autres de donner une valeur ajoutée (plus value) aux produits et d’intégrer ses enfants pour venir y travailler, ce qui n’aurait pas été le cas pour un travail typique agricole.
Mauricio, le voisin d’Apremavi, est agriculteur biologique, ce que faisait aussi Apremavi autrefois. Il décida il y a plusieurs années de passer à ce type d’agriculture et il dit y trouver son compte, malgré le fait que ses produits ne soient pas vendus plus chers que d’autres produits avec engrais chimiques et pesticides. En effet, au Brésil, il n’y a pas de reconnaissance officielle pour cette culture. Il dit à la blague que le sceau de l’agriculture biologique est la présence des ‘bichos’, soit des limaces dans les légumes. Il cultive plusieurs types de fruits et légumes, mais ne produit en grande quantité que les aliments les plus populaires (fraises, patates anglaises) et délaisse peu à peu les légumes moins en demande, soit ceux dits plus traditionnels (patate douce, courges ou manioc). Ce choix de production est motivé par la demande, certes, mais surtout par les prix qui sont offerts pour ses produits. Il raconte qu’il vend généralement 10 kilos de patates anglaises pour 1 kilo de patates douces et qu’autrefois il vendait la racine de manioc pour 1 Real/kilo (1 Real = 0,48 $CAD). Aujourd’hui, le prix est de 0,20 Real/kilo, ce qui est étrange puisque dans les supermarchés, celles-ci sont à 3 Reals/kilo. Le profit fait par l’agriculteur aurait diminué au cours des années, peut être à cause du fait qu’il y aurait plus d’intermédiaires dans cette chaîne d’alimentation.
Dans cette région de la haute vallée d’Itajaí, les propriétés sont plutôt petites et toutes les personnes sont un peu agriculteurs. En effet, ils y cultivent presque tous des légumes et des arbres fruitiers indigènes du Brésil (mandioca, pitanga, grumexama, guabiroba, cereja, uvaia, jabuticaba, palmiers) et exotiques (raisins, poires, patates, limes, oranges, prunes) et y élèvent des animaux (volaille, vaches et boeuf, porcs, moutons) pour avoir de la viande tout au long de l’année et/ou utiliser leurs produits.
Par exemple, lors de l’abattage d’un animal, la viande de celui-ci sera toute utilisée et partagée entre voisins, famille ou amis. Pour un porc, presque toutes les parties peuvent être intégrées au plat traditionnel brésilien, la feijoada. Il peut y avoir des morceaux de choix (côtes, bacon) comme des morceaux moins nobles utilisés traditionnellement tels la langue, les pattes ou les oreilles, mais ceux-ci sont de moins en moins utilisés de nos jours. La viande du bœuf s’apprêtera plus aux dîners (le repas le plus important et presque unique de la journée) ou généralement pour le fameux ‘churrasco’ soit le Barbecue brésilien.
Même si en campagne l’accès aux aliments frais et de bonne qualité est plus facile et moins cher qu’en ville, j’ai senti que cette alimentation des produits locaux et dits plus traditionnels en campagne était peu valorisée par les gens locaux, comme si le manioc par exemple était un légume trop banal, commun ou facile d’accès. Si ceux-ci commencent à être moins cultivés et moins consommés, on peut imaginer que dans un futur proche ces aliments seront plus difficiles à obtenir et peut-être une perte de l’alimentation traditionnelle.
Au Brésil, étant une société en plein changement, tout ce qui est de l’extérieur ‘de fora’ est beaucoup plus valorisé, plus intéressant, ‘chique’ (différent, distingué) comme ils le disent si bien ! Bien sûr, le changement est généralement une bonne chose et le Brésil conserve encore beaucoup ses amples traditions culturelles. J’espère seulement que ce pays qui adore l’oncle Sam ne s’américanise pas trop et ne tombe pas plus dans la culture de consommation et du superficiel et puisse valoriser ce mélange de cultures centenaires qui le compose tout en s’imposant mondialement et continue à perpétuer celles-ci encore longtemps.