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Le colonialisme aux Philippines et ses impacts sur la société d’aujourd’hui

lundi 24 mars 2014

Pour mieux comprendre les Philippines d’aujourd’hui, il faut savoir qu’elles ont été rattachées à l’Espagne de 1821 à 1898, période durant laquelle le commerce s’est énormément développé. C’est donc à l’époque coloniale que les missionnaires ont converti une grande partie de la population au catholicisme et ont fondé de nombreuses écoles et universités. Avant la guerre contre l’Espagne, les États-Unis ont élaboré une politique de construction navale qui leur a permis de dominer le Pacifique. Les Espagnols ont été facilement défaits tant à Cuba qu’aux Philippines. À l’issue de cette guerre, en 1989, l’archipel est cédé aux États-Unis. En bons colonisateurs, les Américains ont toutefois fait fi de la culture et de la volonté des populations locales qui réclamaient déjà leur indépendance. La nouvelle puissance coloniale a plutôt consolidé son emprise et son influence. Les conséquences de l’occupation américaine se font sentir encore aujourd’hui [1].

D’abord, sur le plan politique, quand les États-Unis ont pris « possession » des Philippines, le peuple cherchait malgré tout à conserver une certaine indépendance. Les Américains ont donc misé sur la création d’un État démocratique collaborateur, la structure politique étant calquée sur celle du Congrès américain. Les membres des familles les plus riches ont été promus à des postes administratifs et investis du rôle de gardien des terres en échange de quoi le secteur agraire se devait de répondre à la volonté des Américains. Ainsi, les relations commerciales avec les États-Unis continuaient de privilégier l’élite, aux dépens du peuple philippin. Les Américains se réservaient un pouvoir de décision sur le commerce et les relations étrangères dans l’optique de répondre à des intérêts précis : l’exploitation des richesses agricoles, l’accès à une porte d’entrée vers la Chine et l’ouverture d’un marché expérimental pour les produits américains (De Koninck 2005, 72). Cette relation économique asymétrique perdure encore aujourd’hui, bien qu’elle ne repose pas sur un contrôle politique direct. Les Philippines se retrouvent plutôt dans une situation délicate où l’aide au développement apportée par les américains est capitale et il n’est pas dans l’intérêt du pays (en tout cas immédiat) de s’y soustraire, bien qu’il en découlerait une plus grande autonomie. Pour l’instant, l’archipel Philippin dépend toujours du capital américain. Il est bénéficiaire d’une part importante de l’aide internationale américaine et est devenu une destination importante pour leurs investissements directs à l’étranger [2].

L’influence américaine est si importante qu’elle marque l’univers culturel philippin : la langue, la culture, la restauration, la musique, le sport, le cinéma, etc. Bien que l’on compte plus de 80 langues aux Philippines, la langue officielle du pays est le Tagalog. Toutefois, les Philippins le délaissent tranquillement pour parler le taglish, un mélange entre l’anglais et le tagalog. Certains Philippins vont même jusqu’à parler seulement l’anglais. Ce cas est particulièrement répandu dans les universités, puisque l’anglais est associé à l’éducation, à la richesse, voire à la noblesse. Si on écoute la télévision, on se rend vite compte que la plupart des téléromans sont en taglish. À la radio, les émissions sont généralement diffusées en taglish ou même en anglais. La musique qui y est diffusée est souvent américaine. La majorité des mannequins sur les panneaux publicitaires sont occidentaux et lorsqu’ils sont Philippins, leur teint est si pâle qu’on pourrait presque croire qu’ils sont blancs. Encore une fois, le fait d’avoir le teint pâle est un standard de beauté bien établi auquel les Philippins associent l’argent et la bourgeoisie. C’est d’ailleurs frappant de voir les Philippins tenter d’éviter de s’exposer aux rayons de soleil. Même avec une température ambiante qui frôle les 50 degrés Celsius, ils s’habillent de la tête aux pieds et ne laissent aucune surface de leur corps à découvert. Un autre exemple frappant de cette obsession pour une peau blanche est le fait qu’il soit si difficile de se procurer un savon ou une crème hydratante qui ne contienne pas d’agents blanchissants.

On remarque bien souvent une grande admiration envers les Américains, même chez les enfants. Lorsque les États-Unis ont réformé le système d’éducation philippin, ils ont introduit les cours d’anglais obligatoires et modifié le contenu des cours d’histoire, de façon à mettre l’accent sur l’aide que les américains ont apportée pendant la guerre contre les Espagnols et à omettre de mentionner leurs confrontations avec le peuple philippin (Quintos de Jesus 1997, 114). Bref, l’éducation et l’appui de l’élite ont permis aux Américains de façonner une mémoire collective qui leur est favorable, en consolidant l’analogie du grand frère américain qui aide ses petits frères philippins à aller de l’avant. Ces facteurs ont éventuellement mené au culte généralisé de l’Amérique (Quintos de Jesus 1997, 114).


[1France Diplomatie, 2013, « Présentation des Philippines : Géographie et Histoire ». En ligne, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo/philippines/presentation-des-philippines/article/geographie-et-histoire-8607 (page consultée le 17 octobre 2013).

[2Devillers, Franck, Gueraiche, V. Hosillos & Veslot, 2013, « La colonisation américaine 1898-1946 ». In Encyclopaedia Universalis. En ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/philippines/3-la-colonisation-americaine-1898-1946/ (page consultée le 17 octobre 2013)