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Au sujet de la relation entre le Bangladesh et l’Inde

mercredi 8 janvier 2014

Bangladeshis’ from the countryside don’t necessarily understand well the concept of borders. When they accidentally walk on Indian Territory, they sometimes get shot... no, Indians don’t really like us. When the Cricket World Cup takes place in Bangladesh, India is invited ; when it takes place in Indian, Bangladesh is not.

Ces paroles fusèrent longuement à mes oreilles, alors que je me délectais d’un drink, mollement étendu sur un divan crasseux, dans un appartement crasseux et que j’écoutais mon amie parler.

Mohamadpur est un quartier bondé. Pratique ? Possiblement. Sécuritaire ? Certainement pas. Néanmoins, on y apprécie l’apesanteur. L’apesanteur ? Oui, l’apesanteur. J’avais l,impression de flotter lorsque j’allais à Mohamadpur. D’être un somnambule à la merci de tous. Il se passe environ 100 000 activités autour de vous, qui s’échelonnent dans un inexpugnable amalgame auquel vous ne comprendrez jamais rien ; j’adorais Mohamadpur. C’était comme être une coccinelle prise au piège dans un moteur d’avion en train d’exploser.

Sur ce divan, bien détendu, épris de mon -comme je puis l’appeler - somnambulisme mohamadpurien, me délectant de mon drink mais aussi de l’écho du million de personnes qui s’activent dans les rues, j’analysais les affirmations de mon amie concernant la frontière indo-bangladaise.

Je me souvenais alors d’un Indian qui m’avait dit, à l’aéroport, qu’il n’aimait pas les Bangladeshis parce qu’ils sont des gens sales. Un autre, moins descriptif, m’avait simplement souligné son mépris envers ce peuple que j’allais bientôt apprendre à aimer.

Je me souvenais d’Alice Baillat, cette jeune PhD française que nous avions interviewé pour le documentaire, qui me disait qu ele gouvernement indien n’hésite pas, lorsque le niveau d’eau en Inde devient trop élevé, à inonder le Bangladesh en ouvrant ses barrages.

On connait l’histoire : Sir Cyril Radcliffe, responsable de la Partition de l’Inde, "botched up the job in the east by drawing a straight line through villages and rivers, houses and markeet places" [1], ce qui encore aujourd’hui, a de grandes répercussions. Le colonialisme, certes, a été une grande erreur, particulièrement en Inde.

Je me demandais quels sont les facteurs, outre le colonialisme, qui expliquent de tels débordements à la frontière des deux pays. Si l’histoire et l’ingérence européenne jouent un immense rôle, il doit bien avoir d’autres facteurs qui expliquent, aujourd’hui, la situation. Palash R. Ghosh, de l’International Business Times a écrit, le 12 juin 2012, un article dont le titre est évocateur : "India-Bangladesh Border : The `Berlin Wall` of Asia". Cela réfère à la violence meurtrière à laquelle semble recourir la BSF indienne (Border Security Force) lorsque les Bangladeshis - et même les Indiens - traversent la frontière illégalement (ou par inadvertance). Selon l’article, la BSF s’autorise une telle barbarie car le gouvernement indien ne la sanctionne pas assez sévèrement [2]. Une telle violence, qui survient de nos jours, ne peut s’expliquer que pour des raisons historiques ; après quelques recherches, deux pistes m’ont semblé intéressantes.

Une première piste de réponse vient sans doute du fait que l’Inde et le Bangladesh n’ont, de manière générale, pas de bonnes relations diplomatiques. Cela n’est pas une réponse directe à savoir pourquoi il y a des débordements à la frontière, mais cela vient peut-être expliquer quelque peu le laxisme du gouvernement indien face à la situation. Même si l’Inde a aidé le Bangladesh à se sortir du Pakistan, il a été remarqué que "a host of structural and domestic political variables is pulling the two states in opposite directions. It will require more than routine diplomatic posturing to restore amicable ties" [3]. Or, il est notoire qu’il peut parfois prendre des années aux premier ministres de chaque pays pour se visiter [4]. Dans le même ordre d’idée, aussi banal que cela peut sembler, ne pas inviter une équipe sportive lors d’une compétition internationale (comme me le rapportait mon amie) est un acte extrêmement significatif. Je m’inspire ici de Joseph Nye, dans The Future of Power. Lorsqu’un pays ne tient même pas à ffaire démonstration de soft power (l’organisation d’une compétition internationale est une démonstration de soft power) en omettant d’inviter un rival, c’est qu’il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir de la relation entre les deux pays. Est-il alors étonnant que l’Inde ne réagisse pas aux frasques de la BSF ? D’autant plus que, selon quelques estimations, entre quinze et vingt millions d’immigrants illégaux du Bangladesh auraient traversé en Inde dans les dernières décennies et que cela aurait affecté l’accès des Indiens à l’emploi et aurait généré un véritable débalancement ethnique dans le Bengale. Il me semble donc évident que l’absence de bonnes relations entre les deux pays, jumelée à une certaine amertume causée par l’histoire, la religion (hindoue, musulmane), mais également cette forte immigration illégale, sont autant de facteurs qui viennent expliquer le laxisme du gouvernement indien face aux agissements de la BSF.

Une seconde piste de réponse réside sans surprise dans la religion. Il semblerait que la montée des Islamistes fondamentalistes au Bangladesh effraie l’Inde et que cela aurait une incidence sur la dynamique à la frontière [5]. En effet, il faudrait inscrire le comportement de l’Inde dans le contexte de la Guerre contre la Terreur, qui, depuis 2001, est sur tous les fronts. À cet égard, on peut mieux comprendre l’Inde d’établir comme essentielle la sécurité à sa frontière. Avec les événements qui secouent le Bangladesh en ce moment, alors que les élections approchent, on se rend bien compte que la distance entre la religion et l’État est bien mince. Mon amie de Mohamadpur craint littéralement la prochaine élection : s’il fallait que le parti radical prenne le pouvoir, elle devrait, avoue-t-elle, quitter le pays. Cependant, si cet argument religieux explique un certain radicalisme de l’Inde à sa frontière, il ne justifie en rien les actes barbares qui y sont commis : des innocents sont tués.

Certes, étendu sur mon divan crasseux de Mohamadpur, à jouer au somnamble, je ne pouvais qu’être le témoin silencieux d’une telle absurdité. Déjà que le Bangladesh est un pays isolé dont on ne parle presque pas, il est dommage de savoir que son principal voisin est loin d’être un allié. De ce que j’ai pu observer et entendre, c’est plutôt avec le Japon et la Corée que le Bangladesh entretient d’excellentes relations. Au moins...!


[1Banerjee, Sumanta. 2001. "Indo-Bangladesh Border : Radcliffe’s Ghost" Economic and Political Weekly 36(18) : 1505.

[2Ghosh, Palash R. 2012. "India-Bangladesh Border : The `Berling Wall` of Asia. International Business Ties, USA http://www.ibtimes.com/india-bangladesh-border-berlin-wall-asia-702454.

[3Pant, Harsh V. 2007. "India and Bangladesh : Will the Twain Ever Meet ?" Asian Survey 47(2), p. 232.

[4Idem, p. 231

[5Jones, Reece. 2009. "Geopolitical Boundary Narratives, the Global War on Terror and Border Fending in India" New Series 34(3) : 290-304.