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Vitas Tondo Manila

mercredi 12 février 2014

Selon la description fournie par Google Tondo est un quartier résidentiel et industriel situé au Nord-Ouest de la ville de Manille. Ce que Google ne dit pas, c’est que Tondo s’apparente plus à une plaine recouverte d’ordures et de boue où des bicoques de taules et de bois ont été dressées tant bien que mal, qu’à un quartier résidentiel. C’est la toundra des gens pauvres. Il n’y pas l’ombre d’une quelconque forme de végétation. Des monticules de déchets brûlent ici et là, desquels émanent une fumée noire et dense qui démange les yeux à mesure que l’on s’enfonce dans le bidonville. Les enfants marchent pieds-nus dans le dépotoir qui leur sert de maison. Tondo est connue comme l’une des régions les plus pauvres et les plus sous-développées de l’archipel Philippin. Malheureusement, il s’agit aussi de la zone où la densité de population est la plus élevée au pays. En tout, le tiers de la population manillaise y réside. La capitale est représentative de l’inégalité omniprésente partout au pays. Les quartiers populaires sont surpeuplés et affligés par une pauvreté désolante ; les quartiers fortunés sont peu peuplés et jalousement protégés. En effet, les quartiers riches, tels que Makati ou Malate, accueillent un nombre d’habitants adapté à leur capacité.

Les gens plus pauvres, soit la majorité de la population, sont donc contraints de s’entasser dans les secteurs encore « vacants » qui le sont justement parce qu’ils sont inadéquats pour l’occupation humaine. Ces secteurs sont mieux connus sous le nom de bidonvilles. Il s’agit en fait de terrains publics ou privés, généralement situées sur la berge des rivières, près des dépotoirs ou des chemins de fers, sous des ponts ou encore en bordure des bâtiments industriels. On en dénombre 526, où vivent deux million et demi de personnes, dans la région métropolitaine de Manilla seulement. Or, bien que ces communautés soient importantes démographiquement, elles ne reposent sur aucun modèle ni sur aucune structure claire quant à leur établissement. En réalité, ces agglomérations informelles apparaissent là où l’espace et les circonstances le permettent. Les bidonvilles sont des zones en dégradation, insalubres, qui abritent plusieurs dangers et où la qualité de vie est précaire, vu les conditions sordides dans lesquelles les gens vivent [1].

La ségrégation entre riches et pauvres à Manille n’est pas née d’hier. Déjà à l’époque de la colonisation espagnole, certaines enclaves étaient réservées aux colonisateurs, et d’autres, aux colonisés. C’est d’ailleurs à cette époque que Tondo devient un quartier populaire. Les habitants des bidonvilles sont identifiés comme étant les « pauvres urbains » (urban poor), soit des individus qui vivent sous le seuil de la pauvreté dans des zones urbaines. Étant donné l’étendue de leur dispersion, les bidonvilles ne sont pas classés selon leur emplacement, mais plutôt selon le type de construction que l’on y retrouve :

1. L’abri temporaire fait à partir de matériaux récupérés
2. L’abri semi-permanent
3. L’abri permanent.

En moyenne, le trois quart des ménages qui vivent dans les bidonvilles de Manille sont considérés comme des résidents à long-terme, c’est-à-dire qu’ils y sont établis depuis plus de 5 ans. Il s’agit, pour la plupart, de gens originaires de villes ou de provinces périphériques et qui ont migré pour échapper à la pauvreté et à la militarisation des régions rurales. Ils s’établissent dans la capitale dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie. Malheureusement, la majorité d’entre eux se retrouve sans emploi ou victimes des conditions de travail précaires du secteur informel : travailleurs domestiques, travailleurs de la construction, travailleurs autonomes, chauffeurs de tricycles à moteur, vendeurs ambulants, etc.

La Chartre des droits de 1987 garantissait à tous les citoyens l’accès à des logements abordables. En 1986, le gouvernement a adopté le Urban Development and Housing Act (UDHA) dont l’objectif était de développer un plan d’urbanisme plus inclusif et durable. Un programme de réforme du zonage a été mis sur pied, permettant au gouvernement d’exproprier les occupants des bidonvilles pour construire les infrastructures nécessaires au réaménagement de ces espaces. L’acte permet aussi de mettre sur pied un programme de financement hypothécaire subventionné accessible aux les populations à faible revenu. Les objectifs du plan d’action de Manille est ambitieux : amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles, régularisation, financement pour l’acquisition de propriétés, diminution de la pauvreté : l’étendue du champ d’action est large [2]. En raison de la gravité des problèmes qui affligent la ville, les résultats tardent à se manifester. Il ne reste plus qu’à espérer que l’engagement des autorités municipales envers ces objectifs soit durable, sans quoi des résultats satisfaisants ne seront jamais atteints. En attendant, les enfants des bidonvilles continuent de mourir de faim, pendant que leurs voisins des quartiers nantis souffrent d’obésité.


[1UN-Habitat, 2003, « Global Report on Human Settlements 2003, The Challenge of Slums », Earthscan, London ; Part IV : ’Summary of City Case Studies’, pp195-228. En ligne, http://www.ucl.ac.uk/dpu-projects/Global_Report/cities/manila.htm (page consultée le 28 octobre 2013).

[2People’s Intenational Observers Mission, 2010, « Area Profile National Capital, Region : Tondo and Payatas ». En ligne, http://piom2010.wordpress.com/2010/06/01/area-profile-national-capital-region-tondo-and-payatas/ (page consultée le 28 octobre 2013).